Grande artiste, excellente technicienne, Barbara Crane se situe au carrefour entre la « straight photography », aussi réaliste qu’objective, et la photographie plus expérimentale des avant-gardes européennes. Édité par les Éditions du Centre Pompidou, avec le concours de la Fondation Almayuda, le catalogue de l’exposition consacrée à la photographe américaine, dévoile ses 25 premières années de carrière.

L’exposition « Barbara Crane », organisé par le Centre Pompidou (1) est consacrée à une grande artiste américaine qui, malgré sa renommée internationale, est encore méconnue en France et en Europe.

Le catalogue de l’exposition, produit avec le concours de la Fondation Almayuda, présente en 180 photos noir / blanc et couleur les 25 premières années d’une carrière de plus de 60 ans. Née en 1928 à Chicago, Barbara Crane a bien rempli sa longue vie de photographe : de 1947, lorsque ses parents lui offrent un Kodak réflex à double objectif, jusqu’à son décès en 2019…

Human forms

Sans entrer ici dans le détail des quatorze cartels de l’exposition, on peut en évoquer, quelques-uns particulièrement marquants. À commencer par « Human Forms », parce que c’est chronologiquement le premier et qu’il témoigne de l’appétence expérimentale de Barbara Crane.

En 1964, elle présente son portfolio de portraits à Aaron Siskind, avec qui elle étudie la photographie à l’Illinois Institute of Technology. L’œuvre de son professeur, qualifié « d’expressionniste abstrait », à mi-chemin entre photographie et peinture, va l’influencer. Faute de pouvoir sortir de chez elle, parce qu’elle s’occupe de ses enfants toute la journée, Barbara Crane va les photographier sans jamais montrer leurs visages, mais en s’attardant sur les contours de leurs corps qu’elle réduit à de pures formes lumineuses.

De ces premières recherches très abstraites sur la lumière, le volume et la ligne nait « Human Forms » entre 1964 et 1968.

En 1969, Barbara Crane poursuit son travail d’expérimentation avec les compositions semi-abstraites de « Neon Series ». Cette superposition de formes lumineuses sur des visages en plan serré, pris sur le vif à la sortie d’un grand magasin, prouve déjà sa grande maîtrise technique.

Beaches and Park

« Beaches and Park » est un projet d’envergure réalisé entre 1972 et 1978 sur les plages et dans les parcs publics de Chicago. Barbara Crane y photographie des groupes d’amis et des familles. Elle révèle la dimension chorégraphique des corps bronzant ou en mouvement qu’elle cadre souvent de façon surprenante, à rebours de la photographie habituelle de rue. La spontanéité et parfois l’insolence qui se dégagent de ses compositions photographiques reflètent le sentiment de liberté des années 70.

On touche là à d’autres dimensions de l’œuvre de Barbara Crane : le réalisme et l’ambition documentaire. L’occasion de saluer ici deux de ses grands admirateurs et inspirateurs. Ansel Easton Adams, photographe et écologiste, célèbre pour ses photos en noir et blanc de l’Ouest américain et plus particulièrement du Yosemite, dans la Sierre Nevada. Ou encore le photographe-archiviste Paul Vanderbilt, connu pour avoir créé des archives visuelles uniques, réputées pour leur profondeur et leur subtilité.

« People of the North Portal » (1970 – 1971), « Maricopa Country Fair » (1979 – 1980), ou encore « Private Views » (1980 – 1984), trois autres cartels proposés par l’exposition « Barbara Crane », témoignent également de ce travail de documentation réaliste effectué au plus près de personnes anonymes.

Autres œuvres

L’exposition « Barbara Crane » et son catalogue présentent bien d’autres œuvres marquantes de la vie de l’artiste. La série « Whole Roll » (1974 – 1978) fait de la planche contact une œuvre à part entière. « Baxter Labs » (1974 – 1976) montre l’attrait de la photographe pour la démultiplication des motifs et leur réagencement en un nouvel ensemble cohérent.

Avec « Loop Series » (1976 – 1978), Barbara Crane se familiarise avec la photographie d’architecture et l’intègre dans ses travaux, réalisant des compositions à la limite de l’abstraction. Avec « Chicago Epic » (1976), elle signe de premières œuvres monumentales. De 1982 à 1986, avec « Repeats » et « Monster Series », l’artiste plonge à nouveau dans une phase expérimentale, parfois surréaliste.

À la fin de l’exposition qui lui est consacrée, le catalogue « Barbara Crane » continuera à témoigner de l’œuvre singulière d’une artiste à la longévité fertile.

(1) Du 11 septembre 2024 au 06 janvier 2025
Catalogue de l’exposition « Barbara Crane ».
Sous la direction de Julie Jones.
Coédition Éditions du Centre Pompidou / Atelier EXB.
224 pages, 180 photos noir 1 blanc et couleur.
Disponible en Français et en Anglais

Photos : DR

Liens utiles :
www.centrepompidou.fr
https://www.arts-in-the-city.com/2024/08/05/lexposition-barbara-crane-au-centrepompidou/
https://francefineart.com/2024/09/26/3556_barbara-crane_centre-pompidou/
https://www.youtube.com/watch?v=A5Glxy3r648&ab_channel=CentrePompidou