Les Petites Cantines sont un réseau de cantines de quartier, à but non lucratif, où l’on se rencontre autour de repas durables (bio et circuits courts), participatifs (cuisine, vaisselle, animations) et à prix libre. Ouvertes en novembre 2021, dans le 13ème arrondissement, Les Petites Cantines Paris, soutenues par Almayuda, veulent tisser des relations de qualité et contribuer à la construction d’une société fondée sur la confiance.

L’idée est née après un drame, que raconte Diane Dupré la Tour, fondatrice en septembre 2016, avec Étienne Thouvenot de la première « Petites Cantines », dans le 9ème arrondissement de Lyon. « En 2013, j’ai perdu mon conjoint dans un accident de voiture. À ce moment-là, il y a eu un mouvement de solidarité spontanée de la part des habitants de mon quartier, de mes voisins, y compris ceux que je ne connaissais pas, qui m’a aidé à rebondir et ne pas me replier sur moi. Et je me suis dit, il n’y a pas besoin d’attendre un accident de la vie pour vivre ÇA ! »

« ÇA », c’est un subtil alliage entre la rencontre, le lien social, le sentiment d’appartenance à un quartier. Quel meilleur moment pour l’obtenir qu’un repas préparé en commun, puis partagé ? 
Pour cela il fallait que « les gens qui se croisent dans le quartier, sans forcément avoir des prétextes pour se parler, puissent avoir un lieu pour se rencontrer. 

Trois principes

Ce lieu sera Les Petites Cantines, dont le projet prendra corps autour de trois grands principes :

Principe n°1 : le prix du repas et de l’adhésion à l’association sont libres. Chacun donne ce qu’il veut et ce qu’il peut. Pour autant, chaque petite cantine a pour objectif d’équilibrer ses comptes. Tous les convives sont donc discrètement informés, par un tableau noir ou un affichage, du prix de revient du repas. 

Principe n°2 : chacun met la main à la pâte ! Cuisine, vaisselle, nettoyage, proposition d’animations et d’ateliers créatifs, toutes les formes de participation sont les bienvenues. Des modules d’inscription en ligne, un peu de bon sens et beaucoup de bonne humeur permettent de s’organiser au mieux.

Principe n°3 : l’assiette des Petites Cantines privilégie le « fait maison », les produits de saison, les circuits courts, le bio et les invendus. C’est sans doute pour cela qu’on y mange bien et même très bien !

Après Lyon, Paris

Après avoir essaimé près de ses bases, dans la région Auvergne Rhône-Alpes, les Petites Cantines vont plus loin et les projets sont nombreux aux quatre coins de France. À Paris, le point d’ancrage est le 13ème arrondissement, au 94 Boulevard Vincent Auriol, presque en face de l’hôpital de la Salpêtrière. 

« Nous avons ouvert en novembre 2021, avec une communauté mobilisée depuis 2020 mais empêchée par l’épidémie de COVID 19. Nous avons recruté une première salariée, testé pleins de choses, ouvert différents créneaux de repas… Fin 2023, nous comptions plus de 2200 adhérents à l’association qui gère notre cantine, 30 bénévoles actifs, deux salariées plein temps, des volontaires de service civique, des partenaires qui nous soutiennent et viennent faire des animations… »


Celui qui parle, Sébastien Kfoury, est déjà un « vieux routier » de l’entrepreneuriat social et associatif. Après des études en management international, à Paris Dauphine, où il y a répliqué un projet d’intégration des personnes réfugiées (eachOne), il dirige désormais La Cloche, association qui lutte contre l’exclusion des personnes sans domicile. Il est aussi porte-parole et administrateur de Nightline France, dont l’objectif est l’amélioration de la santé mentale des étudiants et des jeunes

Bien structuré et reconnu

C’est au sein d’Ashoka France (1), que Sébastien rencontre Diane Dupré la Tour, fondatrice des Petites Cantines et décide de s’engager dans l’aventure, avec l’ouverture d’un premier établissement parisien. À l’usage, il tire un bilan lucide du fonctionnement de sa cantine du treizième arrondissement.

« Ça roule, c’est bien structuré ! Nous sommes reconnus comme un des acteurs de l’accessibilité, en complémentarité des dispositifs existants. Mais nous avons terminé le dernier exercice avec un déficit de 30 000 €, à cause, entre autres, de l’augmentation du coût des matières ! Cela nous amène à réfléchir aux conséquences de notre modèle économique fondé sur le prix libre. »

Y réfléchir, mais sans le remettre en cause ! Le projet doit en effet « se donner les moyens de rester à flot », tout en répondant aux enjeux du quartier. « Notre public est encore très féminin, avec beaucoup de 26 / 39 ans et de personnes âgées. L’enjeu c’est d’attirer plus d’hommes et de capter le public jeunes et étudiants des universités alentours. Notre mission est de permettre à un public précaire d’avoir accès à des repas dignes, complets, bio, bons… Et de créer du lien social et de la confiance à partir de ce type d’alimentation. »

Participation libre, mais consciente !

Mais comment améliorer encore l’impact social et la qualité des repas auprès de publics défavorisés, donc peu argentés, tout en garantissant le modèle du prix libre ? Il n’y a pas de réponse unique à cette question, qui mobilise toute l’intelligence collective de l’équipe de la première Petite Cantine de Paris. 

« Nous parlons de participation libre et consciente, plutôt que de prix libre », explique Sébastien. « Comme dans toutes les autres Petites Cantines, le coût réel du repas, incluant les charges et les salaires, est affiché. Tous les convives savent donc ce que ça vaut et agissent en conséquence, en fonction de leurs moyens. »

Cette pédagogie du prix est essentielle, mais ne suffit pas. « Nous avons servi plus de 6000 repas en 2023 et nous savons que les nouveaux venus contribuent au-delà du coût de revient. Il faut donc sans cesse attirer de nouvelles personnes. Mieux planifier, augmenter et lisser la fréquentation est aussi un de nos objectifs pour concilier impact social et modèle économique… »

Chercher ailleurs les 50% restants !

« Le modèle à prix libre, c’est 50% de notre revenu ! » rappelle Sébastien. Une manière de rappeler qu’il faut aller chercher ailleurs les autres 50%. La privatisation auprès d’entreprises permet d’ajouter 30% de chiffre d’affaires. Le solde est apporté par le mécénat et les subventions.

« Nous ne voulions pas trop de concours extérieurs au départ, afin de ne pas en dépendre et de risquer l’asphyxie en cas de retrait d’un gros contributeur. L’idée reste de ne pas être dans un modèle subventionné et de générer plus de recettes, notamment pour montrer qu’il est possible d’avoir des modèles servant un objectif social avec une pérennité économique : on en fait une preuve de concept !  Mais, il faut faire avec la réalité. On ne peut pas être à la merci d’un four qui lâche, d’un collaborateur qui part parce que nous ne pouvons pas lui verser un salaire suffisant… C’est trop de stress et de risque ! ».

En s’engageant aux côtés des Petites Cantines, Almayuda contribue à garantir la pérennité d’un projet dont tout le monde s’accorde à dire, au-delà du monde de l’entrepreneuriat social, qu’il a fait ses preuves !

(1) Ashoka France : ONG agissant dans le domaine de l’entreprenariat social.

Photos : Arnaud Caillou – L’œil Témoin

Liens utiles :
https://www.lespetitescantines.org/
https://www.instagram.com/reel/C3qIEatIpJg/?igsh=MTA5bnplbWY0dDZlag==