Entré, grâce à L’appartement 22, dans le « circuit » artistique mondial, Abdellah Karroum est, depuis 2013, directeur du MATHAF, le Musée d’Art Moderne et Contemporain de Doha, au Qatar. Il a participé en tant que curateur à plusieurs biennales : Venise, en Italie ; Dakar, au Sénégal ; Gwangju, en Corée, Triennale du Palais de Tokyo, à Paris ; au Bénin. La FONDATION ALMAYUDA, qui accompagne plusieurs de ses projets, a particulièrement soutenu « Working for Change », lors de la Biennale de Venise et « Sous nos yeux », exposition présentée au MACBA, le musée d’art contemporain de Barcelone.
« L’appartement 22 a créé au Maroc une grande émulation. Abdellah Karroum a su bousculer les codes trop figés du système artistique marocain en donnant la parole aux artistes sur place. Avec le site internet, radioappartement22 et la publication des ouvrages par les Editions Hors’champs, il a offert à ses artistes une visibilité bien plus grande… Cependant, les questions qui ont été posées au sein de L’appartement 22, par les artistes, par les commissaires, ne sont pas exclusives au Maroc. Bien au contraire, ce sont des enjeux partagés, au-delà des frontières. » (Sacha Guedj Cohen : « L’appartement 22 (2002 – 2014 : un centre d’art indépendant au Maroc).
Entre l’histoire, la géographie, la sociologie ou encore l’anthropologie, ce sont autant de domaines qui sont interrogés, questionnés par les œuvres des artistes, choisis et rassemblés par Abdellah Karroum.
Pour franchir les frontières, L’appartement 22, ses artistes et leurs messages, vont participer à plusieurs biennales, passages obligés de la connexion avec la scène internationale.
En 2011, ils investissent un des pavillons de la Biennale de Venise. Leur projet, « Working for Change » (Travaux pour le changement) est financé par des contributeurs privés, dont la FONDATION ALMAYUDA.
Working for Change
« Working for Change » est aussi un projet de recherche et d’action, dont la table est l’élément central. Elle est proposée comme espace de partage d’idées, de nourriture et de projections : un cadre évolutif considérant la production artistique et son rôle dans la transformation de la société.
Concrètement, tout se passe… ailleurs et autrement !
Question de moyens, d’opportunités ou envie d’affirmer une place moins institutionnelle, Abdellah Karroum installe « Working for Change », dans un entrepôt situé sur l’île de la Giudecca, et non dans les Giardini, aux côtés des autres pavillons. Ce lieu devient un espace de rencontre pour un nombre important d’artistes de la Biennale, notamment des représentations africaines.
Pendant la semaine d’ouverture de la Biennale, « Working For Change » rassemble autour d’une même table, les artistes de L’appartement 22. Ils se succèdent, posant chacun à leur tour leurs affaires sur cette table, partagent les mêmes problématiques, débattent, entre eux et avec les visiteurs, afin de proposer des solutions pour le changement.
La table est un lieu de travail, offert par Abdellah Karroum aux artistes invités (Catherine Poncin, Ismaïl Bahri, Gabriella, Ciancimino, Tomas Colaço…) et engagés dans ce projet, qui fait se rencontrer la pratique de l’art comme recherche et son apparition comme production active.
Au delà de la première semaine, il reste la table et les écrits, sous forme de livres et de posters, traces du passage de L’appartement 22 et de sa communauté, témoignages du lien entre le local (Maroc) et le global (Venise, donc le monde artistique).
Sous nos yeux
L’exposition « Sous Nos Yeux : Autres Cartographies du Rif », troisième volet de l’exposition du même titre qui a commencé à la Kunsthalle de Mulhouse, s’est déroulée de janvier à mai 2014, au MACBA, le Musée d’Art Contemporain de Barcelone. Elle trouve son origine dans les expéditions artistiques du « bout du monde », où Abdellah Karroum invitait des commissaires d’exposition, des critiques d’art et des artistes à partir, de façon à permettre des échanges culturels et créer des réseaux de collaborations.
« Sous Nos Yeux : Autres Cartographies du Rif » est donc un récit, composé des témoignages d’artistes, appartenant à la communauté de L’appartement 22 et ayant séjourné dans les montagnes du Rif, mais aussi de nouvelles productions et publications, dont la lecture se fait entre le lieu de production (espace de vie) et l’espace d’exposition (musée).
Pourquoi le Rif ?
Parce que sa situation de porte d’entrée du Maroc et de l’Afrique, en a fait un objectif stratégique et militaire majeurs. Jusqu’en 1956, l’occupation du Rif par l’Espagne a été marquée par des violences, parfois extrêmes, envers la population locale, d’origine berbère, constituée d’une multitude de peuples et de cultures au fil des siècles.
C’est donc à la rencontre d’un territoire authentique et historiquement chargé, que sont partis les artistes des expéditions du « bout du monde ». Ils en ont ramené une nouvelle cartographie, un nouvel « état des lieux », exprimé de différentes manières.
Avec des pierres de Beni Boufrah et une mappemonde tracée à la main, pour Younès Rhamoun…
Avec le projet de Gabriella Ciancimino, construit autour de groupes de femmes, au Maroc, en Catalogne et en Italie, qui constitue une réflexion sur les flux migratoires, à partir des connexions entre la botanique, les femmes et leur éducation…
Avec le film « Hand-Me-Downs » d’Yto Barrada, la BD de Francesco Ruiz, les photos de Grace Ndiritu, les boîtes d’allumettes de Mohammed Larbi Rahali, les toiles figurant des billets de banque de Mustapha Akrim, etc.
« Sous Nos Yeux : Autres Cartographies du Rif » est le troisième volet d’une série d’expositions, dont les deux premières ont été accueillies par la Kunsthalle de Mulhouse. Ces trois volets composent un ensemble de rencontres, de discussions, de publications autour de questions actuelles, qui sortent du champ exclusif de l’art. Entre l’histoire, la géographie, la sociologie ou encore l’anthropologie, ce sont autant de domaines qui sont interrogés, questionnés par les œuvres des artistes, choisis et rassemblés par Abdellah Karroum.
L’exposition, présentée à Barcelone sous le commissariat associé de Soledad Gutierrez et Abdellah Karroum, est le fruit d’un important travail de coordination, entre les artistes, le MACBA et L’appartement 22. Elle est l’aboutissement d’un travail de longue durée et en profondeur. Les œuvres présentées ne sont pas des pièces isolées qu’on aurait regroupées, mais des pièces travaillées comme un tout, pour un résultat final qui devient ainsi cohérent.
« Sous nos yeux » a fait l’objet d’un livre catalogue. Préfacé par Sandrine Wymann, directrice de la Kunsthalle de Mulhouse, Bartomeu Mari, directeur du MACBA et Abdellah Karroum, il a été publié grâce au soutien de la FONDATION ALAMAYUDA.
(Article écrit avec l’aide de Sacha Guedj Cohen, auteur de « L’appartement 22 (2002 – 2014 : un centre d’art indépendant au Maroc. L’écriture collective d’une histoire. Mémoire de Master 1, spécialité Art Contemporain. Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Photos DR).
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Lien utile : www.appartement22.com | www.macba.es/es